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Pesticides : poser les bonnes questions

Publié le 13 janvier 2016 - Écrit par Michel Tessier

Catégorie :

  • Mauricie
  • Actualités
  • Citoyen/Citoyenne
  • Producteur/Productrice

En Mauricie comme ailleurs en province, les productrices et producteurs agricoles sont pleinement conscients des risques liés à l’usage des pesticides. Ce sont eux qui gèrent ces risques associés à la protection des cultures contre les ravageurs. Ce sont eux qui assument les coûts d’utilisation de ces produits, qui vivent dans les environnements où de grandes superficies sont traitées avec les pesticides. Ce sont eux qui sont toujours en première ligne concernant cette problématique.

Peut-on faire autrement?

Il importe de rappeler que les pesticides sont des outils de production dont l’utilisation est encadrée par des lois et règlements fédéraux et provinciaux. Les dosages, les modes et les périodes d’application sont établis et recommandés par les fournisseurs et leurs professionnels, souvent des agronomes.  La protection des cultures contre les ravageurs est un incontournable : les rendements en dépendent, les attentes du consommateur de fruits et de légumes « parfaits » sont élevées.

On ne peut non plus passer sous silence que les changements climatiques ont déjà des effets mesurables concernant les ravageurs. On fait grand cas des villes aux prises avec de nouveaux venus comme l’agrile du frêne. De nouveaux indésirables sont aussi dans nos champs. À titre d’exemple, les pucerons dans le soya ou les drosophiles dans les petits fruits, absents il y a peu, exigent maintenant des interventions phytosanitaires récurrentes.

Application de pesticides

Le recours généralisé aux maïs, soya et canola transgéniques explique l’augmentation significative des quantités de glyphosate utilisées. Produit réputé comme étant sécuritaire, peu mobile dans le sol, voilà que nous le retrouvons dans les cours d’eau! Ici, le débat dépasse celui de l’utilisation d’un pesticide. Remettre en question l’utilisation du glyphosate, c’est remettre en question un mode de production des grandes cultures, rien de moins! Les développements scientifiques concernant les modifications génétiques des plantes et des animaux (ex. : saumon transgénique) ont été laissés aux mains d’entreprises privées. Monsanto a réussi, en toute légalité, sur toute la planète, à canaliser tout un pan de la recherche vers l’adaptation parfaite entre sa molécule (le glyphosate) et toutes les cultures d’importance.

Vouloir diminuer significativement l’usage du Round Up, c’est remettre en question le quasi-monopole des cultures OGM, ce n’est pas rien!

De même, le recours aux insecticides de la famille des néonicotinoïdes enrobant les semences s’est généralisé à tel point que les semences non traitées n’étaient plus disponibles chez les grands semenciers! À l’instar des cigarettiers (!), la grande industrie des produits phytosanitaires a réussi à positionner ses produits comme étant à la fois indispensables et sécuritaires. Des années plus tard, on découvre que l’usage automatique des néonicotinoïdes n’était pas une bonne idée…

Et maintenant, que fait-on?

Nous sommes conscients du grand défi agroenvironnemental que représente la réduction de la pollution diffuse des cours d’eau. Abaisser les risques pour l’environnement et la santé, oui, nous en sommes!

Ces derniers 20 ans, le Québec agricole s’est attaqué aux problèmes de surfertilisation, de surplus de phosphore, de gestion de fumiers. Comment? Par la mise en place d’un cadre règlementaire, oui, mais étroitement associé à un déploiement majeur de ressources financières et humaines : entreposage étanche, portrait agroenvironnemental des fermes, mise en place du réseau des clubs-conseils en agroenvironnement regroupant des centaines d’entreprises, soutien agronomique dans l’élaboration de plans de fertilisation, implication d’une véritable petite armée de chercheurs, d’étudiants et de producteurs dans des essais à la ferme sur de nouvelles approches, la mise au point de nouveaux équipements, etc.

Nous avons besoin d’une mobilisation de ce type pour répondre à cet enjeu que représente la lutte aux ravageurs des cultures, enjeu autrement plus complexe que la fertilisation des cultures. Il y a encore beaucoup à faire : recherche appliquée, assistance technique, protocole de dépistage, accompagnement… Au premier chef, il faut investir dans des services-conseils non liés, indépendants des fournisseurs de pesticides, c’est un passage obligé.

Les producteurs sont ouverts aux solutions de remplacement qui sont économiquement viables. Mobilisés autour d’objectifs réalistes, les producteurs et les intervenants ont démontré par le passé leur capacité à adopter de nouvelles pratiques, à s’adapter à de nouvelles exigences, à relever des défis agroenvironnementaux majeurs. Les producteurs et productrices ont toujours été des acteurs de changement dans l’accomplissement de leur grande mission de nourrir le monde.

Toutefois, des raccourcis simplistes, de nouvelles exigences administratives, de nouveaux interdits arbitraires ne peuvent contribuer à solutionner un problème aussi complexe. La prochaine décennie peut être celle d’une petite révolution dans nos manières de faire concernant la protection des cultures. Un immense chantier est à ouvrir et nous possédons l’intelligence humaine, scientifique et technique pour aller de l’avant.