Le lac Saint-Pierre est un milieu soutenant une biodiversité d’une richesse exceptionnelle. Sur environ 50 000 ha, on y recense 70 % des espèces d’oiseaux et de poissons d’eau douce du Québec, l’une des plus importantes haltes migratoires aviaires de l’est du Canada et la plus grande héronnière en Amérique du Nord. Des oiseaux et des poissons, mais aussi des humains : le bassin versant du Lac Saint-Pierre englobe 654 municipalités! Véritable mer intérieure, au cœur de plusieurs pôles urbains, bordé par une autoroute, dragué pour l’aménagement du chenal, son littoral a été façonné par les activités humaines, y compris les activités agricoles.
Sols fertiles
Depuis plus de 150 ans, l’agriculture se déploie sur ces sols fertiles des basses terres du St-Laurent. Fertiles, car s’agissant d’une plaine inondée annuellement, les sédiments laissés en place lorsque les eaux se retirent, procurent une importante source de nutriments naturels pour les plantes. Toutefois, étant donné cette période d’inondation plus ou moins longue des champs, variable d’une année à l’autre, vaut-il la peine de cultiver dans cet environnement? Jusqu’où, dans le littoral, le rendement obtenu justifie-t-il d’y ensemencer une culture?
Durant la saison de culture 2015, afin de répondre à ces questions, des entreprises agricoles de la MRC de Maskinongé et de Lanaudière, sous la supervision du MAPAQ, ont participé à un projet. Des champs sous observation étaient divisés en trois zones correspondant à des profondeurs d’eau : une zone inondée d’au moins 30 cm d’eau, une zone intermédiaire et une dernière, inondée la moins longtemps, donc plus éloignée du Lac. Pour chaque champ, dans chacune de ces trois zones, ont été prises des mesures concernant l’évolution de la profondeur de l’eau (très tôt au printemps jusqu’à son retrait) et l’évolution des cultures : date de semis, croissance, mauvaises herbes, qualité, rendements. Comme hypothèse : se pourrait-il que le rendement soit plus faible dans la zone inondée plus longtemps? Plus faible, au point d’être sous le seuil de rentabilité? Si oui, y aurait-il lieu de délimiter des zones non propices à certaines cultures?
Vous êtes curieux de connaître les réponses à ces questions : vous devrez donc me lire à nouveau! En effet, les résultats ne sont pas encore disponibles. Ce projet, qui se répétera en 2016 et en 2017, contribuera à éclairer le questionnement sur la pertinence économique de cultiver dans cette zone inondable.
Cultiver différemment?
Un constat partagé par tous : la santé de cet écosystème est préoccupante. Aussi, bien des études et des suivis sont en cours dans la zone littorale du lac Saint-Pierre. La production agricole dans ce milieu, comme ailleurs au Québec, a évolué rapidement ces dernières décennies. Il n’en sera pas autrement pour le proche avenir.
Devrait-on développer des clubs-conseils en agroenvironnement spécialisés dans la mise en valeur agricole de cette zone aux propriétés bien particulières? Valider des scénarios de rotation de cultures incorporant des plantes fourragères, implanter systématiquement des cultures de couverture en post-récolte? Assurer l’entretien des cours d’eau, base essentielle du drainage de surface, revoir l’utilisation des pesticides dans ce milieu sensible? Soutenir la transition vers la production biologique dans le littoral? Favoriser l’élargissement des bandes riveraines? Compenser financièrement pour les services écologiques résultant de l’adoption de pratiques agricoles plus exigeantes?
Ce ne sont donc pas les pistes d’action qui manquent ! Et les hommes et les femmes qui font l’agriculture démontreront leurs capacités d’adaptation et d’innovation face à ce défi environnemental que représente la protection de ce patrimoine qu’est le lac Saint-Pierre.