Passer au menu Passer au contenu

Vous êtes sur le site Mauricie, mais nous vous avons localisé dans la région : ###detected_region###

Veut-on encore de l’acériculture au Québec?

Publié le 12 janvier 2021 - Écrit par Josée Tardif

Catégorie :

  • Citoyen/Citoyenne
  • Producteur/Productrice
  • Actualités

Éric Bouchard, producteur acéricole de la Mauricie et 2e vice-président des PPAQ. Éric Bouchard, producteur acéricole de la Mauricie et 2e vice-président des PPAQ.

Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) ont pris connaissance des éléments de la Stratégie nationale de production de bois du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Cette stratégie entend faire du secteur forestier un incontournable dans la relance économique en doublant la récolte forestière d’ici 2080... sans tenir compte d’une économie déjà existante et durable, celle du sirop d’érable.

La stratégie du MFFP ne semble pas considérer les acteurs du milieu, tout particulièrement des acériculteurs. L’érable et son sirop ne sont pas pris en compte, encore moins considérés à leur juste potentiel. Le mot acéricole n’est pas présent. À première vue, son objectif est la récolte de bois. Mais qu'en est-il de la cohabitation avec les autres utilisateurs de la forêt publique, dont les acériculteurs? Comment le gouvernement entend-il mettre en œuvre cette stratégie tout en permettant le développement de la filière du sirop d’érable? Il n’y a pas signe de volonté de conserver adéquatement le potentiel acéricole, et ceci est très inquiétant, d’autant plus que les travaux forestiers qui sont mis de l’avant sur le terrain ressemblent plus à des coupes d’écrémage qu’à des traitements adaptés à l’érablière moderne. Sommes-nous de retour aux années 70 et 80? Visiblement oui! L’erreur boréale n’a-t-elle pas changé la donne à Québec? Permettez-nous d’en douter.

Nous croyons donc que cette approche menace un fleuron de l’industrie québécoise qui existe depuis plus de 100 ans: notre acériculture. En ce qui a trait au potentiel futur, rappelons que près de la moitié des entailles actuellement non exploitées se trouve en terres publiques. L’approche sylvicole actuelle du MFFP semble mettre définitivement de côté les coupes de jardinage acérico-forestière. Allons-nous donc laisser nos érablières, notre richesse collective naturelle, se faire dilapider, pour fournir en bois de qualité les usines de sciage en manque d’approvisionnement?

Le but premier d’un acériculteur est de produire du sirop d’érable, la production de bois est un revenu secondaire. C’est ainsi qu’il jardine avec attention la forêt, pour permettre à la matière première, les érables, de grandir et de produire du sirop. Saviez-vous qu’on doit laisser pousser un érable 40 ans avant de l’entailler et de récolter son eau? Si on coupe la forêt de feuillus trop radicalement, on réduit le potentiel acéricole pour longtemps, pour des générations. Et encore, c'est si les érables repoussent, ce qui est loin d’être certain avec les opérations forestières observées sur le terrain récemment.

En érablière publique, on préconise actuellement de très grands prélèvements d’arbres par hectare. Pour assurer le renouvellement des érables, l’acériculteur, lui, a une approche beaucoup plus chirurgicale: il prélève moins d’arbres par hectare, mais revient plus souvent sur le même site. On blesse moins les arbres et on conserve la forêt et le paysage. Et le bois ainsi récolté se dirige vers les mêmes moulins.

Actuellement, 18% des entailles sont en terres publiques. Le fait est que les plus grandes érablières, les plus importants massifs forestiers propices au développement acéricole d’envergure se situent en terres publiques. Pour notre avenir acéricole, il faut conserver ces superficies et les réserver à ce développement futur. Les Américains ont un grand potentiel aussi: il faut préserver le nôtre!

Les 11 300 producteurs et productrices acéricoles du Québec produisent 72% du sirop d’érable au monde. Notre sirop d’érable est apprécié dans plus de 60 pays, et les exportations en 2020 ont augmenté de 22%, représentant un demi-milliard de dollars. Selon notre estimation, pour développer le secteur acéricole et répondre à la demande croissante, le nombre d’entailles devra avoir doublé dans 60 ans. Ce nombre devrait ainsi avoisiner les 100 millions en 2080.

Il faut absolument protéger cette richesse pour conserver notre leadership mondial de l’érable. Les PPAQ demandent au MFFP de démontrer comment la Stratégie nationale de production de bois pourra assurer le développement acéricole du Québec en cohabitation avec la production de bois de qualité.

Ceci étant dit, les PPAQ croient que la compatibilité est possible. Que les intérêts des uns peuvent cohabiter avec les intérêts des autres. Pour exploiter judicieusement, de manière durable et responsable le territoire public et nos forêts, nous sommes prêts à faire équipe avec le MFFP. Pour qu’en 2080, on puisse encore vivre d’acériculture au Québec et que nos érables soient toujours debout, forts et en santé. Ainsi, les générations futures auront le plaisir de connaître le bon goût du sirop d’érable.

Serge Beaulieu

Président, Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Luc Goulet

1er vice-président, Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Éric Bouchard

2e vice-président, Producteurs et productrices acéricoles du Québec