Vous les apercevez dans les champs, les croisez à l'épicerie, mais connaissez-vous vraiment les visages derrière ces travailleurs étrangers temporaires qui façonnent nos terres agricoles ?
Voici le destin d’Oscar, un voyage de Gualan à Champlain
Nous sommes en juin 2017, à Gualan, un petit village guatémaltèque de 2 000 habitants. Dans quelques instants, le destin d’Oscar Eliezer Estevan Rodriguez va prendre un tournant décisif.
Mari d’Evelyne et père comblé d’Émilie, il s’apprête à étreindre sa famille une dernière fois, avant de s’engager dans un périple qui le mènera à 6 000 km de chez lui.
Oscar entouré de sa femme et de ses deux enfants
Un périple vers l’inconnu
Inquiet et perplexe, Oscar embarquera dans un avion pour la première fois, un avion rempli de travailleurs étrangers temporaires, tous motivés par le même désir de quitter leur pays pour améliorer leur sort et celui de leurs proches. Au Guatemala, le salaire moyen d’un travailleur agricole est de 10 $ par jour. Chez lui, il n’avait que quelques vaches, au pâturage, qu’il trayait manuellement. Au marché, il vendait de la viande de porc, de la crème et du fromage. Grâce au salaire qu’il gagne en travaillant en Mauricie, il a augmenté la taille de son troupeau au Guatemala.
Parce qu’il a été référé par un ami, seulement six mois se sont écoulés entre le moment où il a déposé sa demande pour travailler ici et celui de l’embarquement. Pendant le vol, l'euphorie côtoie l'angoisse. Les passagers, tous conscients des hivers rigoureux qui les attendent, sont surpris par le décollage et l’atterrissage de l’appareil, à un point tel que l’un d’entre eux perd connaissance.
« On était certain qu’il était mort », se souvient Oscar en souriant.
Un début prometteur
Simultanément, sous un soleil éclatant, Roger Massicotte et sa femme Maryse roulent sur l'autoroute 40, direction Montréal. Ils ne connaissent que le nom du nouveau membre qui rejoindra l'équipe de la Ferme Massicotte Holstein.
Fondée en 2009, la ferme laitière compte aujourd’hui 15 travailleurs étrangers temporaires, parmi lesquels Oscar, devenu le doyen et l'un des rares à y travailler à l'année.
Une grande aventure commence pour lui lorsqu’il rejoint Roger et Maryse, qu’il ne reconnait que par son prénom inscrit sur un petit carton.
Sur le trajet du retour vers Champlain, Oscar, épuisé et déboussolé par la barrière linguistique, s'endort.
« C’était plus facile pour moi de dormir que d’essayer de comprendre ce qu’ils disaient » dit-il en riant et en français!
Au moment où Roger, Maryse et Oscar se dirigent vers la Mauricie, Katrine Vennes, entourée de ses trois jeunes enfants, prépare un dîner familial en plein air. La conjointe de Pier-Luc, fils de Roger et Maryse, est désormais copropriétaire de la ferme, s’occupant principalement des aspects administratifs et des ressources humaines.
Je vais toujours me souvenir du moment où Oscar est sorti de la voiture. Il s’est tout de suite mis par terre pour jouer avec les enfants. Une grande complicité est née à cet instant. Ce n’est pas rare que mon garçon Thomas va souper chez « les gars ». C’est-à-dire chez Oscar et les deux autres travailleurs étrangers qui habitent ensemble. Étant donné la relation particulière qu’il entretient avec ses patrons, Oscar est le seul à travailler pour l’entreprise depuis 2017. Ses contrats de 2 ans, à temps plein, lui permettent de retourner chez lui 1 mois par année.
Oscar et Thomas, fils de Katrine et Pier-Luc
Au-delà des champs
Avant l’entrevue, j'avais entendu dire qu'Oscar était une personne charismatique, doué pour rassembler les gens. Je ne peux que confirmer que cela est bel et bien vrai. Oscar occupe une place significative parmi les autres travailleurs étrangers à Champlain. Il joue un rôle important et certains se confient à lui. Il a mis sur pied une équipe de soccer. Les joueurs portent fièrement le dossard de leur équipe L’Inter et participent à plusieurs tournois dans la région.
Oscar n’a pas honte de dire que les six premiers mois au Québec ont été difficiles. Dans le but d’assurer une communication efficace, ses employeurs ont pris l’initiative de recruter un professeur de français, qui s’est déplacé plusieurs fois à la ferme.
« Oscar s’est démarqué rapidement et il a appris facilement», souligne Katrine Ce n’est pas par hasard, si l’an dernier, il a été promu au titre de gestionnaire du troupeau.
Selon ses patrons, il travaille à la ferme avec le même dévouement que si l’entreprise lui appartenait.
« Je rêve de vivre ici avec ma famille, même si je sais que ce sera compliqué pour que ma femme et mes deux enfants puissent venir me rejoindre. Tous les jours, on se voit en webcam. Avec mon salaire, je les aide à vivre une meilleure vie. Quand mon père a été atteint du cancer, il a pu accéder à des soins de santé de qualité. Nous n'aurions jamais pu les payer si je n'avais pas travaillé au Québec. »
Embaucher un travailleur étranger temporaire, investir dans l’humain
À la Ferme Massicotte Holstein, Oscar est non seulement un employé important, mais il est devenu un membre de la famille.
« Embaucher un travailleur étranger, ça demande de l’investissement personnel. Il faut assurer une bonne intégration. Cela nous fait prendre conscience de l'immense sacrifice qu'ils font en quittant leur pays et c’est un rappel de notre chance. C’est une récompense de constater tous les projets qu’ils peuvent réaliser dans leur pays grâce à ce travail » souligne Katrine Vennes
À Champlain, tout le monde le connait. Il adore la neige, le Festival western de St-Tite et rêve du jour où il pourra faire découvrir à sa femme et ses enfants, les saveurs d’une poutine Général Tao, sa préférée selon ses dires.
Quelques travailleurs de la ferme